Sousse

Hercule & Antée

Application mobile de réalité augmentée
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Région
Sousse
dates
2019
catégorie
Nos expériences immersives

Découvrez la mythologie gréco-romaine et le combat du héro Hercule contre Antée à partir d’un fragment de sculpture retrouvé dans la ville de Sousse. Ces aventures des dieux et des héros peuplaient l’imaginaire des Anciens.
Grâce à la réalité augmentée et via votre smartphone, vous superposez à la réalité du fragment restauré et reconstitué une modélisation en trois dimensions de la sculpture complète dans son état d’origine.
L’application mobile vous permet également de découvrir l’histoire de cette statue, les récits liés à chacun des 12 travaux d’Hercule à travers une carte interactive du bassin méditerranéen et une brève histoire du musée archéologique de Sousse.

Grâce aux réflexions menées par une équipe de restaurateurs, d’archéologues, d’experts en médiation et d’étudiants en beaux-arts, cet archétype d’Hercule et Antée peut vous être ici présenté reconstitué.

Ce projet de réalité augmentée « Hercule et Antée » est l’aboutissement d’un hackathon ayant pour thème la valorisation du patrimoine à travers les nouvelles technologies mené par de jeunes diplômés à l’initiative de notre association Museum Lab sur plusieurs sites tunisiens en 2019.

Le hackathon a consisté en des formations (archéologie, médiation, développement avec modélisation 3D, travail des textures…) dispensées par des experts du patrimoine et de la médiation à une trentaine de jeunes de «Museum Lab Connexions» autour de cinq projets de valorisation du patrimoine aboutissant à des dispositifs innovants créés au cours de l’année 2019 à Sousse, Dougga, Kerkouane, El Kef et Tunis.
Début décembre 2019, les cinq équipes des cinq prototypes se sont opposées puis une exposition gratuite de ces dispositifs a eu lieu mi-décembre dans les sites, musées et centres historiques.

Télécharger l'application
Ouvrez l'application, appuyez sur scanner et pointez votre téléphone vers ce fragment de la statue d'Hercule et Antée

Les experts associés

Slim Drissi

Restauration sculpturale

Soumaya Gharsallah

Architecte-muséologue,

Mounir Fantar

Directeur des monuments et des sites antiques à l’INP

Partenaires du projet

En partenariat avec Institut national du Patrimoine, Agence de Mise en Valeur du Patrimoine et de Promotion Culturelle, municipalité du Kef, Banque centrale de Tunisie

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Histoire du blé
chapitre 01

Introduction

Les blés comme l’orge sont des céréales définis comme des plantes cultivées dont les grains sont riches en amidon et consommables. Mais faut-il, d’abord, que ce blé subisse une longue sélection du patrimoine génétique pour obtenir des blés moissonnables et producteurs d’une farine capable de donner du pain. Les ancêtres du blé sont dits « vêtus » : les glumes et glumelles qui enveloppent le grain ne s’en détachent pas facilement. La préparation du grain passe par une opération délicate de décorticage. Une nouvelle étape de la domestication a consisté à sélectionner des plantes dont le grain perdait son enveloppe externe (la balle) par simple battage. Nos ancêtres ont trouvé ainsi et isolé des mutants « à grains nus ». Faciles à conserver et à manipuler, ces grains caractérisent les cultures du Moyen Orient et du bassin méditerranéen. Les deux principales espèces sont le blé tendre et le blé dur. Majoritaire sur le marché, le blé tendre est surtout utilisé en meunerie. Il se transforme en farine, pain, viennoiseries, biscuits… En revanche, il faut du blé dur pour produire de la semoule ou des pâtes.

Structure de l’épi de blé et du grain

Le blé est une plante annuelle, monocotylédone qui appartient au genre Triticum, de la famille des graminées ou « poaceae ». C’est une céréale dont le grain est un fruit sec appelé caryopse, constitué d’une graine et de téguments. L’épi de blé est formé de deux rangées d’épillets situées de part et d’autre d’un axe ou rachis. Un épillet regroupe trois fleurs à l’intérieur de deux glumes

Le cycle du blé

En octobre, les semences de blé sont mises en terre. Au début du printemps, les tiges sorties pendant l’hiver s’allongent, puis les épis sortent de leurs gaines. Après la floraison et la fécondation, les grains grossissent. En juillet-août, les blés arrivent à maturité : c’est l’époque des moissons.

BLE ET PAIN : UNE SI LONGUE HISTOIRE

Les populations humaines et les blés ont toujours connu une histoire multimillénaire de coévolution très dynamique et vivante.

Défini comme l’une des principales alimentations de l’homme, le pain, obtenu du blé, est tout un univers. Mais il faut une longue sélection génétique pour obtenir des blés capables de donner du pain. Même si le blé était connu à l’état sauvage vers 15.000 ans, la découverte, l’évolution et la diffusion de sa culture allaient marquer profondément l’histoire et le développement de l’humanité et de certaines civilisations. En fait, il s’agit d’un monde que l’homme a dû conquérir tout le long d’une très longue histoire depuis le jour où il est passé du stade de la cueillette et de la chasse à l’agriculture. Ce passage d’un prédateur à un producteur a dû avoir lieu à la fin des ères préhistoriques et plus particulièrement au néolithique. C’est à juste raison qu’on associait la découverte de l’agriculture au néolithique, on parle de la révolution néolithique. C’est au Proche-Orient et plus particulièrement dans le « Croissant fertile » qu’on a découvert et cultivé le blé dès le néolithique 6.000 ans av. J.-C. C’est à partir de ce berceau d’origine que la culture du blé allait s’étendre vers l’Asie centrale et l’Afrique.

En ce qui concerne cette diffusion de la culture du blé en Afrique, c’est grâce à l’apport de la linguistique en général et de la glottochronologie[1] en particulier que nous pouvons reconstituer ce parcours. C’est en Ethiopie (Abyssinie[2]) qu’il a eu lieu, dans la famille linguistique dite « afrasienne », où les céréales étaient encore récoltées et non cultivées. Une première fragmentation (13.000 av. J.-C.) fit émerger en 11.000 le proto-érythréen où le blé et la farine sont désignés par les termes burr et bazine.

C’est de cette dernière famille que se distinguait le proto-nord érythréen qui, au IXe millénaire, se fragmenta entre langues tchadiques et pro-boréafransiennes. Ces dernières donneront lieu (2000 av.) au proto-berbère, au proto-sémite et au proto-égyptien. C’est de ce proto-berbère que découle le proto-amazigh lié aux Libyens, voisins de l’Egypte (1000-800).

L’introduction du blé en Afrique se réalisa par voie continentale, la plus ancienne, par l’Egypte vers -6.000[3] où le blé dur ne devint une culture d’importance que vers – 2 300. D’autres voies plutôt maritimes parviennent à atteindre la Libye, la Tunisie, l’Algérie, le Maroc par la Grèce, la Crète, le Sud de la péninsule italienne, la Sicile et l’Espagne. D’autres thèses beaucoup plus mythiques attribuent aux Cananéens l’introduction du blé en Afrique du Nord. Il n’est pas exclu, non plus, que l’une des origines du blé est le pays même. Dès la seconde moitié du VIe millénaire, la culture des céréales et l’élevage d’ovins sont attestés au Maroc via l’Espagne et le Proche-Orient. P. Mela semble mentionner le blé sauvage en Mauritanie. On sait que d’après Polémon d’Ilion une tradition grecque attribue les premières semences du froment à l’Afrique et c’est à Argos (Polupuros d’Homère) qu’on avait élevé un temple à la Cérès[4] libyque. Il semble que c’est le héros Argos qui l’avait apporté de Libye, du pays situé entre l’Égypte et la grande Syrte. L’appellation presque uniforme du blé par le même terme proto-berbère irden milite dans ce sens, celui de borr préhistorique est beaucoup plus antérieur.

La voie des oasis

En fait, c’est dans ce mouvement pastoral de la vallée du Nil vers l’ouest saharien qu’il faut chercher les origines et les relais. Or, si on relève l’économie pastorale à Farafra, oasis occidentale égyptienne, au Ve millénaire, on ne constate pas en revanche la présence des céréales. Le blé dur ne devint une culture d’importance en Égypte que vers – 2 300. (voir l’outillage lithique de Kharja). Plus à l’ouest, à Hava Ftea, en Libye, marqué par un certain conservatisme, on ne trouve pas de céréales au VIIe s. av. J.-C. C’est plutôt vers l’intérieur, vers le Sahara, à l’ouest du Nil que des populations nomades sont repoussées par les pharaons. Dans ce parcours, marqué par les tumulii, c’est par la voie des oasis que les transmissions semblent assurées.

Le relai du Fezzan

En fin de compte, c’est plutôt vers le Fezzan et ses oasis dans l’Ouest du désert libyen qu’il faut chercher les relais les plus proches. Les anciens Garamantes étaient déjà des agriculteurs avancés, et ils pratiquaient l’irrigation. Ces derniers sont les auteurs d’une série de transformations socio-économiques capitales. C’est plus exactement à Zinchercra, le site de hauteur fortifié de caractère proto-urbain proche de Garama et première capitale des Garamantes, que les fouilles archéologiques devaient donner d’importants résultats. C’est ici, où l’on atteste en 1000 av. J.-C. toutes les ressources agricoles propres au Proche-Orient : blé, orge, vigne, dattes, figues, ovins et caprides, des mortiers taillés dans la roche… quant à l’habitat, c’est au pied des hauteurs que l’on le constate.

[1] La « glottochronologie » (Larousse): Technique statistique utilisée pour dater le moment où deux langues apparentées se sont séparées ou pour mesurer l’intervalle de temps qui sépare deux états d’une même langue.

[2] « la Transcaucasie (partie du croissant fertile) a pu abriter la naissance des formes cultivées des blés, que des peuples en migration ont pu emmener avec eux, jusqu’à ce qu’ils se heurtent aux hautes montagnes de l’Abyssinie, c’est-à-dire à des conditions favorisant les mutations. On s’expliquerait alors, que l’Abyssinie soit devenue un centre secondaire de diversification pour les blés tétraploïdes à grains nus qui seraient nés ailleurs. » T. dicoccum Schübl. L’Amidonnier est le plus ancien des froments trouvés dans les Pyramides d’Egypte. Son centre de diversification se trouve en Abyssinie, mais son ancêtre sauvage T. dicoccoides se trouve en Transcaucasie et on a vu (cf. supra) comment la distinction entre centre d’origine et centre de diversité permet d’expliquer ce fait.

[3] Il y a eu plusieurs voies de diffusion des blés par rapport à l’Afrique. La route la plus ancienne gagna l’Égypte vers – 6 000 av.  et se poursuivit vers le Soudan et l’Éthiopie, au sud, et vers la Libye à l’est. Il semble que les courants initiaux concernaient principalement l’amidonnier et de petites quantités de blé nu tétraploïde de la ssp. parvicoccum ; l’engrain semble avoir été absent à cette date car on n’en a retrouvé que de rares traces, ultérieures, au Maroc et le blé dur devint une culture d’importance en Égypte uniquement partir de la période grecque vers – 2 300 (Feldman, 2001).

HISTOIRE DE LA CULTURE DES CEREALES EN AFRIQUE DU NORD EN GENERAL ET EN NUMIDIE EN PARTICULIER

La Numidie

Dans la région du Nord-Ouest de la Tunisie, cœur de la Numidie archaïque et grenier de Rome, nous n’avons pas de datation précise sur l’apparition du blé, mais on peut distinguer déjà deux principales étapes : celle de l’agriculture en général et celle du blé en particulier. C’est grâce au site néolithique méditerranéen de Kef el-Agab, près de Jendouba, que nous découvrons les traces de la domestication du mouton et des activités agricoles. Mais c’est surtout aux récentes découvertes archéologiques sur le site d’Althiburos (el-Medeina) que nous pouvons estimer les débuts réels de ces sociétés agricoles où les activités céréalières sont évidentes.

Préhistoire et néolithique

En fait, on connait mal les origines de l’agriculture en Afrique du Nord d’autant que les connaissances des temps néolithiques restent insuffisantes. Quant à la région du Kef, c’est à Kef el-Agab, important site préhistorique du néolithique méditerranéen, situé non loin de Jendouba à 40 km au nord du Kef, qu’on a relevé parmi les ossements des animaux de l’époque, ceux du mouton domestique, quoiqu’on y relève toujours les modes de vie attachés encore à la chasse, à la cueillette des fruits sauvages et même à la pêche. En plus, on y relève parmi le mobilier lithique, entre autres, des herminettes (types de hachettes), des meules et de nombreuses boules de pierre perforées, importants indices d’une société attachée à l’agriculture et à la production des céréales. C’est ce même outillage qu’on découvre sur la rive droite d’oued el-Aïn au cœur même de la ville du Kef[1] ; ailleurs, on a cru reconnaître des faucilles primitives en rapport avec des activités agricoles. A ces indices, il faut ajouter l’apport de l’art rupestre néolithique où la domestication du mouton, du bœuf et du chien est évidente. Au Sahara des « bovidiens », on a des scènes où l’on représente des activités à caractère céréalier comme le vannage, l’engrangement et le broyage des grains. Pour notre région, on trouve dans les peintures et les gravures post-néolithiques de Cheffia quelques réponses sur la vie agricole. On pense y avoir reconnu parmi les peintures d’un petit abri sous roche, un mouton jarreux (ovis longipes), un chien mais surtout l’image d’un araire (type de charrue) accompagné de figurations humaines schématiques. L’essentiel, à travers ces représentations schématiques et symboliques, c’est de transmettre une des plus importantes préoccupations liées à l’agriculture, c’est d’assurer par la magie sympathique la fertilité des terres et la fécondité des troupeaux. Plus tard, au contact d’autres peuples venant de l’Est, ce sont des mythes et des religions plus particulièrement celui de la grande déesse et la terre-mère qui traduiront ces soucis. C’est à juste raison qu’on a conclu que l’agriculture s’est développée en Afrique du Nord en même temps que l’organisation de la société libyque[2]. C’est plus au sud, dans les environs de Tébessa, aux jbel el Onk, jbel Troubia, jbel Tafrent et à Tazbent, plus particulièrement, qu’on a découvert des vastes aménagements de caractère agricole. On y a relevé un outillage lithique post-néolithique. L’ampleur de ces travaux semble exiger la longue durée et la sédentarisation des communautés qui les avaient aménagés. En plus de ces aménagements, le monde funéraire pourrait apporter aussi quelques données importantes quant à l’agriculture et aux sociétés sédentaires et paysannes qui lui étaient attachées.

Quoi qu’il en soit, l’agriculture semble s’organiser entre la fin du Néolithique et l’avènement des navigateurs phéniciens (XIIe s.). En résumé et au vu de tant d’indices relevés dans notre région, on peut conclure que l’agriculture est largement antérieure aux rois numides et à Massinissa. La société de l’époque s’adonnait à une économie mixte où culture de la terre : céréales : blé, orge, mil, légumes, fruits et élevage de bovins et de moutons, se complétaient.[3]

Le blé

Parmi toutes ces activités agricoles attestées, la culture du blé avait occupé toujours, depuis les origines, le premier rang, on avait souvent reconnu que le sol de l’Afrique du Nord est fort adapté à la culture du blé dur en particulier (triticum durum). Le blé dur (triticum durum) fut identifié par Desfontaines en 1798 dans les régions telliennes et pour l’antiquité par l’archéologie en 1950. Celui-ci a remplacé de bonne heure l’Amidonnier (triticum dicoccum- far), dont l’ancêtre est le blé sauvage : triticum dicoccoïdes, le plus répandu depuis la préhistoire et l’Antiquité autour de la Méditerranée. L’introduction du blé cultivé, son évolution, sa diffusion et sa domination constituent assurément les balises du parcours historique le plus significatif de la naissance des premières sociétés agraires de l’Afrique du Nord.

C’est par le mot irden[4] et ses variantes que les autochtones avaient toujours désigné le blé de l’oasis de Sioua aux îles Canaries et attesté ainsi l’unité et la cohérence du phénomène. Etant donné le nombre considérable des races caractérisées des blés durs, on a toujours considéré l’Afrique du Nord comme un centre secondaire de diversité des variétés du triticum durum, le centre principal serait l’Abyssinie (voir supra). Or, nous avons vu que grâce à la glottochronologie que des noms aussi archaïques pour désigner le blé et la farine comme burr et buz/baz (bazina) remontent au proto-érythréen (d’il y a 11.000 ans) ancêtre du proto-berbère. Cette filiation linguistique ne fait que confirmer que c’est de l’Afrique orientale que les anthropologistes ont tendance à faire venir une partie importante des populations préhistoriques à l’origine des Berbères[5].  Cette même origine est attestée également pour les blés tendres du groupe oasicolum dont la culture est antérieure au blé dur (à raccorder avec le relai des oasis).

Passage entre néolithique et protohistoire

La station d’El-Medeina

Si, jusqu’ici, ce sont les sources gréco-romaines qui nous avaient renseignés sur la culture du blé en Afrique, rares sont les autres sources ou plus particulièrement les fouilles[6] qui nous permettent de saisir encore mieux la réalité et l’ancienneté de cette activité qui avait tant distingué le pays. Or, grâce aux récentes découvertes archéologiques dans notre région et plus précisément à Althiburos (El-Medeina) (2006 et 2014)[7], nous avons aujourd’hui une meilleure visibilité sur l’agriculture en général et la culture du blé en particulier. D’une richesse hydrogéologique exceptionnelle, le site a dû favoriser assez tôt une occupation humaine attestée par des traces préhistoriques. Une importante escargotière capsienne située en amont du site, non loin d’Ain el-Ajmi, semble attester ce fait et expliquer la présence sur place d’une industrie lithique préhistorique[8] (Neifer).

Les récents travaux ont pu attester de leur côté que l’occupation humaine du site remonte au Xe-IXe s. av. J.-C où l’on constate une sédentarisation basée sur une économie mixte puisant dans les ressources agricoles aussi bien de la céréaliculture[9] que de l’élevage. La présence également de la métallurgie de fer au VIIIe s. av. J.-C devait renforcer l’image d’une agriculture bien équipée et assez développée pour répondre aux besoins d’une population de plus en plus nombreuse quoique l’on relève entre le VIIe et le VIe s. s. av. J.-C une période d’abandon. Les fouilles des niveaux préromains avaient permis d’avoir une idée globale sur l’économie de la population autochtone du VIe au Ier s. av. J.-C. En fait, c’est grâce au matériel paléocarpologique révélé par les niveaux anciens (VIe -IVe s. av. J.-C.), période qui correspond aussi à l’apparition des dolmens (IVe s. av. J.-C), qu’on a découvert un grand nombre de restes riches en matière organique. On a découvert aussi bien l’orge vêtue (Hordeum vulgare) que le blé nu (Triticum aestivum/durum – blé dur) de même que le blé amidonnier (Triticum dicoccum) et le blé nu de type compact (Triticum aestivum/durum cf. compactum). Si on n’a pas manqué de constater que ces céréales sont toujours le type de ressource végétale le plus important dans les niveaux de la période numide récente (IIe -Ier s. av. J.-C.), toujours est-il que le taxon le plus représenté est ici le blé nu[10].

Pour compléter la vision sur l’économie de la population d’Althiburos, il faut ajouter à ces espèces aussi bien les céréales de printemps, tel que le millet (Panicum miliaceum) et le panic (Setaria italica), ainsi que les légumineuses, les fruits, le raisin en particulier, le lin… Pour la faune, on doit observer que les niveaux de la période numide ancienne ont livré des restes osseux de cervidés, de bovins, d’ovicapres et de porcs. Cette présence d’animaux domestiques confirme et illustre l’existence dès le VIe s. av. J.-C. d’un système d’agriculture mixte où l’élevage complète la production agricole.

[1] Un outillage défini dans l’oasis de Kharja (ouest Egypte) comme néolithique. 

[2] Le Libyque : un ensemble de langues autrefois parlées par les populations libyques de Libye antique et desquelles descendent les langues berbères modernes.

[3] Voir le cas d’el-Mdeina où l’existence dès le VIe s. av. J.-C. d’un système d’agriculture mixte : l’élevage qui complète la production agricole.  

[4] Le terme arabe qamh semble d’origine égyptienne.

[5] Sur ce relai, voir la diffusion des chapelles et le couloir Nigrine-Meskiana, le rocher sacré de Barkal et sa réplique à Kalaat Sinen. Voir également le mythe des fils de Koush dans Josèphe.

[6] Des examens plus récents pratiqués vers 1950 sur des grains trouvés dans un moulin Romain d’Altava(Lamoricière, Algérie) et dans les amphores de Siga (Tlemcen, Algérie) attirent l’attention sur des grains qui pourraient bien être des blés durs.

[7] Où trois phases y sont distinguées :

Numide Ancien (NA)

NA 1 (Xe s. av. J.-C.),
NA 2 (IXe s. av. J.-C.),
NA 3 (VIIIe s. av. J.-C.)
Numide Moyen (NM)

NM (fin VIIe  – Ve s. av. J.-C.),
Numide Récent (NR) 

NR 1 (IVe s. – 146 av. J.-C.),
NR 2 (146 – 27 av. J.-C.).
[8] Quoique on a reconnu la présence, en amont du site, d’un néolithique soit capsien ou méditerranéen, il ne semble pas que le Xe siècle de Medeina en soit l’aboutissement (A Hava Ftea au VIIe s. av. J.-C. on ne trouve pas de céréales).

[9] Les résultats des études carpologiques (étude des graines et fruits) indiquent la prépondérance au Xe siècle av. J.-C des espèces cultivées (82,1% des restes) et, parmi celles-ci, des céréales (92,3%), principalement de l’orge (Hordeum vulgare) et du blé dur (Triticum aestivum/durum).

[10] C’est la découverte d’une concentration de ce blé à côte du petit four traditionnel (tabouna) destiné à la cuisson des galettes de pain qui semble confirmer ce constat —le blé dur (tricidum durum) étant une variété de blé à grain nu.

LA NUMIDIE DU BLE

Echo des fabuleuses richesses en blé de l’Afrique en général et la Numidie en particulier chez les auteurs anciens.

Les auteurs gréco-romains qui distinguaient entre nomades et agriculteurs sédentaires devaient associer les noms de la Libye et de l’Afrique au blé et qualifiaient leurs habitants de mangeurs de blé. Tous les auteurs depuis la plus haute antiquité (Scylax VIIe-IVe s av. J.-C.)[1] jusqu’aux époques modernes n’avaient pas cessé d’associer ainsi le pays au blé, l’Afrique est la terre à blé par excellence au point où l’on devait la qualifier de « grenier de Rome ».

Toutes les monnaies aussi bien carthaginoises, numides que mauritaniennes avaient représenté souvent des épis de blé. A ce titre et grâce à cette richesse céréalière proverbiale, l’Afrique fut reconnue comme une terre nourricière féconde en grains, frugum fertilis de Salluste et l’on comprend qu’elle fut un véritable enjeu stratégique depuis l’aube de l’histoire. Au début, seule la Libye orientale, de la vallée du Cinyps jusqu’au Cap Bon, avait bénéficié de témoignages anciens vantant ses richesses plus particulièrement, le blé (Scylax, Hécatée, Hérodote…). On a évoqué Megasa, l’Ouest du fleuve Tritonis et son lac, Jerba, le Byzacium où le blé produisait entre 100 et 300 grains pour un seul grain de semence et deux récoltes. On ne manque pas d’évoquer ici l’apport de l’étymologie comme celle du toponyme de Sabrathan un nom d’origine phénicienne qui devait signifier « marché de blé ». Etant à la fois carthaginoise et numide cette région fut connue comme étant celle des emporia —Vitruve associe toujours le terme emporium à « entrepôt », tout comme pour Vaga.

En fait, on ne peut pas affirmer que Carthage était associée à cette richesse céréalière compte tenu de l’étroitesse de son territoire, il lui arrive au contraire d’importer du blé[2]. Carthage gardait jalousement les emporia[3] que Massinissa attaqua au lendemain de la deuxième guerre punique sous prétexte qu’elle avait jadis appartenu à ses ancêtres. C’est cette Numidie que les sources allaient nous révéler à partir de la fin du VIe s av. J.-C. et plus particulièrement à l’occasion d’un certain nombre de conflits illustrant réellement le pays à blé par excellence, à la limite de la fable.

Strabon évoque les richesses céréalières des Numides de l’Ouest : les Masæsyles. Les sources anciennes n’avaient pas cessé d’associer étroitement la Numidie à des richesses céréalières exceptionnelles. On a toujours reconnu que si la Numidie est ensemencée en blé (Columelle), où l’orge mûrit un mois avant le blé (mai-juin), c’est qu’en Gétulie, plus sèche, les grains se conservaient beaucoup mieux.

Cirta des Numides : une métropole céréalière

Même si le nom de Numidie n’apparaît pas encore, les récentes fouilles à Althiburos (El-Mdeina) devaient nous confirmer que la Numidie connaît déjà une économie mixte où l’agriculture en général et les céréales en particulier jouent un rôle important dans l’économie à partir du Xe s. av. J.-C. C’est ici qu’on relève, plus tard, les Numides Chellensis : Chellenses pourrait être une mauvaise orthographe, pour Cellenses, de Cellae (greniers à blé) (voir seka), terme tardif purement latin, qui a été naturellement introduit dans l’onomastique de l’Afrique septentrionale sous la domination romaine. Il devait survivre à l’époque médiévale dans les noms de  bled el ‘anbar et de ksour. Ceci nous permet d’appréhender globalement un des aspects de cette Numidie archaïque, si célèbre par ses richesses céréalières.

C’est grâce à un certain nombre d’indices et de textes que nous découvrons des régions céréalières particulières comme celle que devait parcourir le célèbre « moissonneur » de Mactar quand il se déplaçait jusqu’à Cirta des Numides et le mont de Jupiter. Célèbre comme étant la principale métropole d’un très vaste pays, Cirta, l’actuelle ville du Kef,  occupe une forte position naturelle, riche en eau. Elle est au croisement des principales voies stratégiques de la région et contrôle, à la lisière de la Gétulie[4] des Musulames, les riches plaines céréalières étendues au loin.

C’est tout autour de cette Cirta, justement, qu’on devait relever un certain nombre d’indices et de témoignages irrécusables du royaume de Numidie (Regnum Numidiae) comme les noms de lieux regia,dont des villes, les inscriptions portant les noms des rois numides, le culte des  Cereres… Les Numides étaient mentionnés tout autour de Cirta (Kef). C’est ici où, depuis la colonisation marianiste (fin IIe av. J.-C.), on relève les domaines royaux, fiefs laissés par Massinissa à ses enfants et confisqués plus tard par Rome pour être vendus aux particuliers et exploités en saltii. Un de ces domaines était attesté par la borne de Massouge à l’époque de Micipsa (148-118 av. J.-C.) où l’on évoque un descendant de Nrwt[5].

C’est dans le Haut-Tell, autour du Kef, qu’on recense, en plus de la présence de multiples et étendues champs dolméniques, un certain nombre de villes préromaines (Garaiton,  Mustis, Thugga, Ucubi, Masculula, Chimtou, Aubuza, Obba, Althiburos, Madaure, Thapsus (Tifech)), dont la plupart sont attachées au blé. C’est tout autour de la ville de Cirta (Kef) que ces villes gravitaient. On a évoqué autour de Cirta (Kirta), les villes cirtéennes (Kirtesii) comme Zama, Vaga, Lares, constituant une forme d’amphictionie[6] placée sous la protection d’une divinité en rapport avec la fécondité. C’est à Cirta-Chirta-Kirta (Kef) qu’on relève un célèbre temple dédié à Ashtart relayé, à l’époque romaine, par celui de Vénus.

Formation et apparition de l’Etat numide :

L’avènement de Massinissa et sa puissance économique (le blé)

Ayant connu différentes révolutions politiques, Cirta était devenue la capitale du Regnum Numidiae où Massinissa devait installer finalement son pouvoir, réunifier les Numides, récupérer des territoires et promouvoir une nouvelle politique économique et urbaine où l’agriculture devait occuper une place de choix. « Si Massinissa n’a pas été l’initiateur, il fut le propagateur énergique de la vie agricole dans le vaste État qu’il avait su fonder ». Massinissa a du se réapproprier de vastes terres agricoles comme les grandes plaines et la Tusca augmentant ainsi ses ressources en céréales. C’est grâce à ses domaines royaux[7] et à l’impôt[8] que Massinissa devait disposer d’énormes quantités de blé. C’est aussi grâce aux réseaux des intermédiaires, aux foires, aux marchés, aux entrepôts, aux meules[9], qu’on imagine tout un système de collecte, de transports et un intense mouvement de trafic et de négoce des plus fructueux et dynamiques. Massinissa ouvrit largement son royaume aux nombreux négociants romano-italiens du blé qui devaient s’installer aussi bien à Vaga, véritable forum du blé, qu’à Cirta. Dès cette époque déjà, le blé constitue l’essentiel des exportations de la Numidie. La mainmise de Massinissa sur les ports méditerranéens et les Emporia en particulier lui permit d’échanger facilement avec le monde maritime grec et latin. 

La richesse proverbiale en blé de Masinissa lui avait permis dès le début du IIe  siècle av. J.-C., d’expédier à plusieurs reprises des dizaines de milliers de boisseaux de blé et d’orge à Rome ou directement aux armées romaines combattant en Orient. Il lui arriva d’envoyer en 170 jusqu’à un million de boisseaux de blé pour l’armée de Macédoine. Maintenant les mêmes traditions, Micipsa, héritier de Massinissa,  envoya, plus tard, du blé aux troupes romaines lors de leur campagne en Sardaigne. Les échanges commerciaux avec les cités grecques comme Rhodes étaient fréquents et bénéfiques sur plusieurs plans. Ils lui avaient procuré beaucoup d’or et de prestige. Délos profita des largesses en blé de Numidie au profit du temple d’Apollon. Au-delà des simples relations commerciales, Nicomède, roi de Bithynie, éleva une statue à Massinissa. Le royaume de Massinissa s’imposa ainsi comme le principal exportateur de blé vers la Grèce. C’est également un important producteur de matières premières comme le marbre et les animaux sauvages, quoique ses structures économiques soient rudimentaires ; ceci explique bien la présence aisée des negotiatores depuis IIe siècle avant J.-C. qui s’imposaient comme des courtiers et des intermédiaires entre le royaume de Numidie et les ports méditerranéens. Une présence de plus en plus pressante au point où l’on assiste à une mainmise commerciale et politique de ces negotiatores sur l’Africa et la Numidie. La guerre de Jugurtha nous révèlera un certain nombre de ces aspects.

Guerre de Jugurtha ou l’enjeu du blé

Cette puissance économique et politique que la classe des negotiatores constitue ainsi que leurs intérêts plus particulièrement dans le négoce du blé détermineront, en arrière-plan, la guerre de Jugurtha et son déroulement. Les différents épisodes de cette guerre qui commença en 112 av. J.-C. après le massacre des negotiatores de Cirta par Jugurtha ne cessent de nous révéler l’importance du blé comme « principal nerf de la guerre ». En cherchant à rappeler à Jugurtha son statut de soumis, on n’a pas manqué de lui exiger une certaine quantité de blé à livrer et c’est en 111 av. J.-C., à Vaga, que se rend un questeur pour recevoir ce blé. Située non loin du port d’Utique dans une des plus riches régions céréalières du pays, Vaga était le plus grand marché des céréales qui attire beaucoup de négociants italiens où ils avaient coutume de trafiquer, et même de résider. C’est à la suite de l’attaque par les Romains de Suthul en 110 av. J.-C. qu’on découvre un de ces lieux où les rois numides déposaient leurs richesses, du blé et du matériel de guerre. Sortant de la province romaine d’Africa et pénétrant dans le royaume numide par une route peu éloignée de Vaga, Metellus rencontre partout des cultivateurs et reçoit du blé.

Deux épisodes vont nous faire découvrir encore plus certains aspects de ce monde du blé, c’est tout d’abord, la ville de Sicca où Marius, légat de Metellus, allait chercher du blé avant d’être attaqué par Jugurtha. Sicca, située sur un axe entre Utica et Zama, fut confondue avec la Sicca romaine du Kef. C’est aussi au cours de ces évènements qu’on découvre, à l’occasion du massacre de la garnison romaine de Vaga, la fête des Cereres, un culte en rapport avec le blé introduit et diffusé par les rois numides. Il n’est pas exclu qu’il perpétue un culte de fertilité autochtone antérieur. Ce n’est qu’après la répression de Vaga et le retrait de Jugurtha vers Thala que Metellus a pu s’avancer en 108 av. J.-C. vers Cirta (Kef), ville alliée, et installer, non loin, un camp, pour contenir Jugurtha. Pour couper les vivres à Jugurtha, Metellus ne cessa de ravager les cantons agricoles les plus riches et exiger du blé aux paysans. Metellus sera remplacé à la tête de l’expédition contre Jugurtha par Marius, l’homme des intérêts des negotiatores. Celui-ci poussa les opérations de guerre vers Capsa, plus au sud encore, non sans avoir fait de Lares (Lorbus) une importante base logistique où il avait stocké une importante réserve de blé. On doit relever qu’étant donné la nature de l’entreprise et au vu de la saison, Marius devait affronter un véritable défi pour s’assurer du blé nécessaire à ses troupes, d’autant que c’était la fin de l’été et qu’on trouve difficilement du blé[10]. De son côté, Jugurtha, conscient des enjeux, ne manquait pas d’ordonner aux agriculteurs de transporter leurs réserves alimentaires et leurs récoltes de blé en particulier en des lieux fortifiés[11]. C’est dans ce contexte qu’il faut replacer l’épisode du siège de la forteresse de la Muluccha en 107 av. J.-C., à la fin de la campagne contre Capsa et avant de s’installer dans les camps d’hiver autour de Cirta. C’était dans cette forteresse naturelle où Jugurtha avait fait porter des provisions abondantes de blé et tenait en réserve de grandes sommes d’argent (Strabon le désigne par le nom de trésor). Pour ces raisons et pour s’assurer de l’approvisionnement de ses troupes, Marius n’avait pas manqué d’assiéger et de s’emparer de la forteresse et de ses réserves alimentaires. A l’opposé de ce qu’on a pensé jusqu’ici, seule la dite « Table de Jugurtha » (Kalaat Sinen), avec son site naturel particulier, ses silos, son fortin numide répond parfaitement à cette forteresse de la Muluccha si bien décrite par Salluste (apud Sylla). En fait, c’est à un authentique et véritable grenier collectif fortifié auquel on a à faire. El-Bekri évoquait le lieu sous un nom fort significatif celui de Kalaat Seka (non Sika), un nom berbère pour signifier un entrepôt fortifié, l’équivalent d’Agadir qui signifie la même chose.

LA  COLONISATION DE MARIUS

La défaite de Jugurtha eut pour conséquence d’ouvrir la grande porte à la colonisation romaine promue dès 103 av. J.-C. par Marius et la loi Appuleia Saturnina. Même si on n’avait pas annexé encore la Numidie, c’est à travers la réquisition des domaines royaux et tout en installant des Gétules alliés, qu’on pense augmenter les potentialités agricoles et plus particulièrement la production céréalière dont Rome avait de plus en plus besoin. Cette colonisation viritane devait toucher la région, à l’ouest de la fossa regia, les plaines de la moyenne vallée de Majerda au nord de Cirta ainsi que celles entre oueds Tessa et Siliana à l’est. On y a relevé plusieurs villes comme Mustis, Aptuca, Ucchi Majus, Thibaris, Thuburnica dont certaines portent le surnom de Mariana et Marianum en relation avec le nom de leur conditor Marius. Cette importante colonisation au bénéfice des Gétules[12] à la marge orientale du Regnum numidiae allait jouer un important rôle dans la romanisation du pays et préparer une colonisation romaine beaucoup plus étendue et rattachée davantage avec le reste de la province africaine romaine et l’Italie de plus en plus dépendante du blé numide. Il faut dire que le blé nécessaire à la subsistance de la grande métropole venait de la Sardaigne, de la Sicile et de l’Afrique. Roma tira ses ressources alimentaires de ces provinces  appelées « les provinces frumentaires ».

Les guerres de César et l’enjeu du blé

S’étant rendu maître de l’Italie et craignant que ses ennemis n’affament Rome, César chercha à priver ces derniers des provinces frumentaires et assurer le blé d’Afrique, de la Sicile et de la Sardaigne. Il chargea Curion de la Sicile et de l’Afrique. Acquise aux Pompéiens soutenus par les Numides, l’Afrique est au cœur de la guerre. Impliqué du côté pompéien contre J. César, le roi de la Numidie orientale Juba, fils et héritier de Hiempsal II, participa à l’épisode africain de ce conflit et y perdit son royaume. Tout comme dans la guerre de Jugurtha, cette guerre entre Pompéiens et César ne manqua pas de démontrer l’importance capitale du blé africain.

Les conséquences de l’annexion de la Numidie en 46 avant J.-C.

On sait qu’après sa victoire à Thapsus en 46 av. J.-C., César s’était déplacé à Zama où il a fait des adjudications des biens et des domaines des vaincus et converti en province romaine le royaume de Juba, qui devint l’Africa nova. Il désigne Salluste comme son premier gouverneur. César rappela avoir annexé à Rome un pays qui offrira annuellement 1 200 000 boisseaux de blé et trois millions de livres d’huile. Relativement réduite cette quantité fait supposer que c’est plutôt l’impôt en nature que rapportait à Juba la partie annexée de ses États devenue province romaine. On a pensé également que ces 1 200 000 boisseaux représentent la quantité de blé que César aurait affermé des anciens domaines royaux.

En annexant ainsi la Numidie du blé en 46 av. J.-C. sous le nom d’une nouvelle province l’Africa Nova, Rome tout en consolidant ses intérêts établis jusqu’ici, allait inaugurer toute une nouvelle ère de colonisation agricole où la production et l’exportation du blé serviront de base à tout un développement socio-économique marqué par l’intégration de l’Afrique dans une sphère plus large, celle de la romanisation. Habituée et préparée aux Romains depuis Massinissa (202 av. J.-C.), la Numidie archaïque Regnum Numidiae devait connaître déjà une première colonisation, celle de Marius, fin IIe s av. J.-C. avant qu’elle ne soit annexée par César en subissant une emprise effective de Rome dès le milieu du Ier siècle avant J.-C.

Toute la documentation connue jusqu’ici ne cesse de confirmer l’importance des productions frumentaires de la Numidie proconsulaire, une production en rapport étroit avec le ravitaillement en blé de Rome.

 

[1] Liste des auteurs : Scylax (6), Pindare (6), Hécatée (5), Hérodote (4), Aristote, Polémon le Périégète (sur les premières semences), Galien (IIe s. av. J.-C.) Polybe, Salluste, Varron, Cicéron… Galien (IIe s. av. J.-C.) fait allusion au blé dur sous le nom de semi-dalites et Pline indique que le similago (ou semoule faite avec le blé d’Afrique était la meilleure).

[2]En 480 av. J.-C, Hamilcar, chef de l’expédition de Sicile, envoya une partie de sa flotte en Sardaigne, pour y chercher du blé : Diodore, XI, 20. Des envois de blés à Carthage ou aux armées carthaginoises sont encore indiqués plus tard : Diodore, XIV, 63 (en 396, à l’armée qui assiégeait Syracuse); XIV, 77 (à Carthage, peu de temps après) ; XXI, 16,1 (au temps d’Agathocle). Conf. Pais, l. c., p. 320-1 ; Meltzer, II, p. 499.

[3] Il semble que Carthage ait également joué un rôle prépondérant dans l’isolement de l’Afrique.

[4] A propos de la représentation des gerbes de blé représentées sur les stèles, Leglay (Saturne africain, Histoire, Paris 1966. p.194, stèle n°2) devait attester cette mise en contact de la ville du Kef avec une région sèche. Marge où l’on constate une association directe de la production du blé à la providence de Saturne dans les zones-limites du domaine de la culture sèche.

[5] Nrwt est certainement Naravas, membre de la famille royale numide mentionné lors de la « guerre des mercenaires » ; il s’était rallié à Carthage et à Hamilcar Barca. Polybe le désigne sous le nom de Narr’Havas, « un Numide des plus illustres, un homme plein de fougue guerrière, qui avait toujours été favorable aux Carthaginois à l’exemple de son père » (cette présence interdit toute implication du Kef (Sicca) dans les évènements).

[6] Dans l’Antiquité, c’est une association de douze peuples chargés de la gestion et de l’administration de certains sanctuaires importants dont celui d’Apollon Pythien à Delphes.

[7] Le plèthre équivaut à 874 mètres carrés. Donc la superficie de chaque domaine était de 874 hectares.

[8] Pour plus de commodité, les contribuables devaient s’acquitter des impôts sur les produits du sol en nature. On comprend ainsi la présence des quantités importantes de blé et d’orge dont les rois disposent et qu’ils peuvent soit livrer aux Romains ou engranger dans des lieux sûrs.

[9] Voir le complexe des meules antiques découverts à oued Gastal, à Bou Ficha. A Gemmata proche, on découvre des silos à blé.

[10]On ne doit pas, d’ailleurs, exagérer ces ressources. Lors de la guerre de Jugurtha, la province ne suffit pas pour nourrir les armées de quelques dizaines de milliers d’hommes, qui combattaient en Numidie; il fallut transporter des vivres par mer.

[11]Tels étaient peut-être ces châteaux royaux, ces tours royales, que quelques textes mentionnent dans des récits de guerres : forts juchés dans des lieux escarpés, où sont amassées de grandes provisions de blé, et même déposées d’importantes sommes d’argent. Mention d’une turris regia, que Jugurtha, en temps de guerre, a fait occuper par tous les transfuges. Salluste indique qu’elle se trouve dans un pays désert. Voir aussi les Loca munita (magasins de stokage).

[12]On doit signaler que ces Gétules après avoir bénéficié de certains privilèges accordés par Rome, se sont vus soumis aux rois numides après 81, après la victoire de Pompée contre les Marianistes.

Épitaphe dite du « moissonneur de Mactar »

 

Datation : 260 / 270 (3e quart IIIe s. ap. J.-C.)

 

 Lieu de découverte : Makhtar

 

Lieu de conservation : musée du Louvre

 

L’épitaphe du « Le moissonneur de Mactar » mise au jour en 1882 par Joseph Alphonse Letaille. C’est un document d’une valeur inestimable pour décrire la vie économique des campagnes et le processus de renouvellement des élites municipales au IIIè siècle ap. J.-C., elle retrace la carrière d’un modeste agriculteur qui, à force de louer ses bras, put parvenir à l’aisance.

 

Texte en Français

 

Je suis né d’une pauvre famille et d’un humble père, qui n’avait ni fortune ni maison en ville. Depuis ma naissance je n’ai vécu que pour mon travail aux champs, et ni pour les champs, ni pour moi il n’y eut jamais de repos. Quand l’année avait conduit les moissons à maturité, alors j’étais le premier à couper le chaume. Quand s’avançait dans les campagnes la troupe des hommes porteurs de faux, se dirigeant vers les campagnes de la Cirta des Numideset celles de Jupiter, pour moissonner le premier dans les campagnes je devançais tout le monde, laissant derrière mon dos d’épaisses javelles. Pendant deux fois six moissons, j’ai fauché sous un soleil d’enfer ; ainsi ai-je réussi à devenir chef. Pendant onze années j’ai dirigé des troupes de moissonneurs et nos mains ont émondé les plaines de Numidie. Un travail comme le mien et une vie parcimonieuse ont rapporté : ils ont fait de moi le maître d’une maison et le propriétaire d’un domaine, ma maison ne manque de rien, et, grâce à notre mode de vie, elle a récolté les fruits des honneurs : je suis devenu membre du Sénat de ma cité et, coopté par mes collègues, j’ai siégé dans leur Temple. J’étais un petit paysan, je suis devenu Censeur. J’ai vu naître et grandir mes enfants et mes chers petits-enfants. Juste récompense d’une vie, j’ai traversé des années glorieuses qu’aucune langue impie ne vient flétrir du moindre reproche. Mortels ! apprenez à vivre sans reproches ! Qui a vécu dans l’honneur, a mérité de mourir de même.

 

Texte en arabe

 

لقد ولدت من عائلة فقيرة وأب متواضع ، ليس لديه ثروة ولا منزل في المدينة . منذ ولادتي ، عشت فقط من أجل عملي في الحقول ، ولم يكن هناك أي راحة لا في الحقول ولا بالنسبة لي . عندما وصل موسم الحصاد ، كنت أول من قطع القش . عندما تقدمت مجموعة من الرجال الذين يحملون المناجل في الريف ، متجهين نحو حملات سیرتا بنوميديا أو تلك الموجودة في كوكب المشتري ، للحصاد فكنت متقدما على الجميع ، تارگا وراء ظهري رما كثيفة . لمرتين وستة حصادت ، قصصت تحت الشمس الجهنمية ثم تركت بلدي ، لمدة اثني عشر عامًا ، وحصدت  بالنسبة للآخرين تحت أشعة الشمس النارية ؛ لمدة 11 عامًا ، كنت قد أمرت فريقًا من الحاصدين وقمت بقص القمح في حقول النوميديين. وبفضل العمل تمكنت من الرضا بالقليل لذلك تمكنت من أن أصبح طاهي، طيلة أحد عشر عاما ، كنت أقود قوات حصاد ، وأيدينا شذبت سهول نوميديا  وظيفة مثل عملي وحياة البخل لا تؤتي ثمارها، لقد جعلوني سید منزل وصاحب نطاق ، فبيتي يفتقر إلى أي شيء ، وبفضل أسلوب حياتنا ، فقد جنيت ثمار الشرف لقد أصبحت عضوا في مجلس شيوخ مدينتي… کنت فلاحا صغيرا ، وأصبحت رقيبا  لقد رأيت أطفالي وأحفادي الأعزاء يولدون ويكبرون، مجرد مكافأة عمري ، لقد عشت سنوات مجيدة لا تأتي فيها لغة شريرة مع أدنی توبيخ من أي بشر ! تعلم أن تعيش بدون عتاب ! من عاش بشرف استحق ذلك . »

 

Texte en Latin

 

 « paupere progenitus lare sum paruoq. parente, cuius nec census neque domus fuerat. ex quo sum genitus, ruri mea uixi colendo: nec ruri pausa nec mihi semper erat. et cum maturas segetes produxerat annus, demessor calami tunc ego primus eram. falcifera cum turma uirum processerat aruis, 10 seu Cirtae Nomados seu louis arua petens demessor cunctos ante ibam primus in aruis pos[t] tergus linquens densa meum gremia bis senas messes rabido sub sole totondi ductor et ex opere postea factus eram. undecim et turmas messorum duximus annis et Numidae campos nostra manus secuit. hic labor et uita paruo cont(ent)a ualere et dominum fecere domus, et uilla paratast et nullis opibus indiget ipsa domus. 20 et nostra uita fructus percepit honorum, inter conscriptos scribtus(sic) et ipse fui. ordinis in templo delectus ab ordine sedi et de rusticulo censor et ipse fui. et genui et uidi iuuenes carosq(ue) nepotes. 25 uitae pro meritis claros transegimus annos, quos nullo lingua crimine laedit atrox. discite mortales sine crimine degere uitam: sic meruit, uixit qui sine fraude, mori. »

 

 

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